Connaissez-vous le ChatGPT français ? Eh oui, parce que chez nous aussi, on a des pointures en termes de technologie de pointe. Ce 26 février 2024, la firme Mistral AI, fondée en mai 2023 (autrement dit “hier” !) a lancé Le Chat (à prononcer comme l’animal, et non “tchat”), une IA conversationnelle qui fonctionne à la manière du produit phare d’Open AI.
Pourquoi se positionner sur ce marché, face à un logiciel qui pèse déjà plus de 200 millions d’utilisateurs actifs dans le monde ? Quel rôle occupe ce challenger “cocorico” dans cette industrie florissante ?
Après un petit brief sur Mistral AI et son application Le Chat, nous allons voir pourquoi vous devriez non seulement l’essayer, mais également suivre l’évolution du petit nouveau sur l’année à venir !
Mistral AI, c’est quoi ?
C’est une start-up française co-fondée par Arthur Mensch, et qui existe pour prendre une part active à l’innovation dans le domaine des IA, afin d’accélérer le processus d’amélioration de ce genre d’outils. À l’heure actuelle, Le Chat, développé en moins d’un an et qui rivalise avec les performances de ChatGPT 3.5, est la première démonstration de force d’une entreprise qui ne compte pas plus d’une trentaine de personnes. Elle permet notamment de présenter au public cette étoile montante.
Une phase de test plutôt réussie, à n’en point douter, qui permet à la culture européenne de montrer son potentiel et de rentrer dans ce débat qui faisait initialement rage entre ChatGPT et BARD, de Google.
En outre, Mistral AI va pouvoir apporter sa pierre à l’édifice en distribuant son modèle le plus puissant à des développeurs qui pourront l’employer sur diverses applications dédiées à un grand nombre de tâches professionnelles (journalisme, santé, sécurité, etc.), afin d’aider les humains à augmenter leurs performances. Ce modèle est connu sous le nom de Mistral Large, il est multilingue, et “raisonne” particulièrement bien, à en croire Arthur Mensch.
Ainsi, la concurrence avec ChatGPT, bien qu’avérée, est secondaire et mêlée avec une dynamique plutôt collaborative. En témoigne le partenariat qui lie Mistral AI avec Microsoft, qui permet à la jeune firme de diffuser sa solution via Microsoft Azure AI. On espère que cette relation mi-compétitive, mi-collaborative portera ses fruits à moyen et long termes.
Comment Mistral AI a-t-elle monté en puissance aussi vite ?
Un premier point à savoir est que nos acteurs français ont fait leurs armes chez les membres du GAFAM, notamment Google et Meta. Ce bagage a permis aux responsables de prouver qu’une bonne idée exécutée rapidement peut déboucher sur des résultats surprenants.
Néanmoins, sans capital, on finit par être limité. C’est pourquoi plusieurs personnalités de la sphère numérique ont commencé à parier sur le poulain hexagonal, dont l’apport initial était de 15k €. Ainsi, avec l’intervention de Jean-Charles Samuelian et Charles Gorintin, fondateurs d’Alan, et celle de Cédric O., ancien secrétaire d’Etat au Numérique, mais également des sociétés telles que Microsoft, Kima Ventures, CMA CGM ou encore BNP Paribas, les deux levées de fond de la start-up se sont soldées par une somme avoisinant les 485 millions d’euros !
Un tel engouement ne va évidemment pas sans susciter quelques polémiques : tout ça ne va-t-il pas trop vite ? Est-ce que, non contente de menacer des emplois (ce que récusent les décisionnaires de Mistral AI), l’intelligence artificielle n’est pas en train d’échapper à toute tentative de régulation ? Rien n’est moins sûr, avec l’IA Act, une mesure de l’UE dont le promoteur s’appelle Thierry Breton (encore un français !), destinée à accompagner l’innovation tout en la régulant pour protéger les citoyens d’applications abusives. Un garde-fou qui, selon Arthur Mensch, sert leur cause plutôt qu’il ne la bride.
Quelles fonctionnalités trouve-t-on sur Le Chat de Mistral AI ?
À ses débuts, Le Chat était encore une fonctionnalité assez simple d’outil conversationnel. Sa version bêta proposait une interface intégrant plusieurs modèles, à savoir Large, Next et Small, lesquels correspondaient à des degrés de performances.
Les trois étaient gratuits, et puis modèle Large, a évolué. Une première fois en Mistral Large 2, puis en « Pixtral Large » depuis le 18 novembre 2024, un modèle multimodal à pondération ouverte intègre pas moins de 124 milliards de paramètres ! Avec sa fenêtre de contexte de 128 000 jetons, il embarque désormais des fonctionnalités comparables à Copilot de Bing. À savoir :
- liste des conversations antérieures (supprimables et archivables) ;
- copie et/ou partage des conversations ;
- passer en thème clair/ sombre ;
- capacité à parler plusieurs langues, dont l’anglais, le français, l’espagnol, l’allemand, l’italien, le portugais, le néerlandais, le russe, le japonais, le coréen et le chinois (c’est en français que l’outil se montrera le plus fiable) ;
- génération d’image grâce à un partenariat avec Black Forest Labs qui lui donne accès au modèle Flux Pro ;
- recherche web avec citations ;
- canvas (pour adopter dans ses réponses un format prédéfini de type « mail », « article de blog », schémas, etc.) ;
- la lecture de documents et d’images (jusqu’à 30 en haute résolution).
Nota Bene : une mise à jour récente vous donne même accès au modèle Codestral, spécialisé dans la programmation.
Que valent les performances de Le Chat de Mistral AI ?
En tant que générateur de texte multitâche, la dernière version de Le Chat dépasse GPT-4.0 et ses concurrents Gemini-1.5 Pro (Google), Llama-3.2 70B (Meta) ou encore Claude-3.5 Sonnet aussi bien sur des raisonnements mathématiques que sur l’interprétation de documents.
Sa puissance est donc suffisante pour lui faire effectuer un certain nombre de tâches, telles que :
- répondre à des questions plus ou moins complexes, avec un taux élevé de justesse dans les faits ;
- proposer des brouillons d’articles ou de messages ;
- la génération de code ;
- des résumés de texte (sur des PDF volumineux par exemple) ;
- corriger des extraits de texte (orthographe, informations erronées, etc.) ;
- argumenter pour ou contre un avis ;
- éviter de trop s’avancer sur des sujets sensibles (le bot n’hésite pas à rappeler qu’il en est un !), quoiqu’en adoptant un positionnement relativement éthique et progressiste ;
- mémoriser des consignes récurrentes grâce à des « Agents » qui retiennent certains prompts afin de générer de processus de travail personnalisés
Un bon assistant en soi, donc…
Nota Bene : contrairement à Copilot de Bing, il n’y a pas besoin d’utiliser le navigateur Edge pour y accéder !
Les moins de Le Chat…
Le Chat a beau arriver juste après la révolution, il commence à devenir un concurrent très sérieux, qui a déjà corrigé pas mal de problèmes en à peine quelques mois. Bien sûr, tout n’est pas encore parfait, et l’IA souffre encore des mêmes travers que ses prédécesseurs, à savoir :
- des affabulations qui vous auraient crevé l’oeil si votre écran était le visage de pinocchio ;
- des problèmes de synthèse de texte à partir d’un certain volume d’informations (plusieurs dizaines de pages), mais il y en a de moins en moins ;
- pas d’application smartphone à utiliser vocalement ;
Quoi qu’il en soit, à en juger par les progrès fulgurants d’une start-up de moins de trente personnes, et des investissements sur lesquels ils vont pouvoir s’appuyer durant les années à venir, nous ne pensons pas prendre de gros risques en misant sur ce cheval à l’avenir très prometteur !
Comment faire pour essayer Le Chat de Mistral AI ?
Pour accéder à la version bêta de Mistral AI, rendez-vous à l’adresse suivante : chat.mistral.ai.
Ensuite, cliquez sur le bouton « Le Chat », en haut à droite de l’écran, lequel vous donne accès à l’agent conversationnel. Avant de vous en servir, vous aurez besoin de vous créer un compte grâce à votre adresse e-mail, et accepter les conditions d’utilisation (le formulaire classique de base).
Le modèle Large est configuré par défaut ; nous conseillons de ne pas en changer. Vous pouvez vous amuser comme avec ChatGPT, sans limite, ou lui demander des tâches professionnelles, tout en gardant les bonnes habitudes de vérification et de correction des textes obtenus.
Nota Bene : Mistral AI travaille activement à une version premium, laquelle devrait sortir dans les prochains mois, mais difficile d’en estimer la date et le prix…
En résumé, Le Chat de Mistral AI, c’est…
… l’arrivée en fanfare d’un concurrent français sur la scène internationale du développement des IA. Une première étape vient d’être franchie en proposant au public une application tout à fait viable, qui révèle le potentiel de fou furieux de la start-up. On espère cependant que Mistral AI va parvenir à innover rapidement (plutôt que simplement reproduire), notamment grâce aux investissements obtenus tout récemment, et que le partenariat contracté avec Microsoft ne risque pas de réduire leur marge de manœuvre.
Enfin, sur la question éthique, les responsables de la jeune firme semblent optimistes, qui font la différence entre une technologie et sa version applicative, distribuée au plus grand nombre. Rester au service de l’humain, et non d’oblitérer au profit de la machine, tel est le discours d’Arthur Mensch. On croise les doigts pour que l’avenir s’aligne sur un pronostic aussi optimiste !
